jeudi 3 septembre 2009

A Christian Poveda



Assassiné. Christian Poveda a été retrouvé mort avec une balle dans la tête et plusieurs dans le corps, près de sa voiture, dans la nuit du 2 au 3 septembre. Il avait 54 ans.
Son dernier film, « La Vida Loca » qui sort le 30 septembre dans les salles en France, est une immersion au pays des gangs. La violence et la mort font partie du sort quotidien des bandes armées et de la jeunesse qui peuplent les bidonvilles de nombreuses villes d’Amérique latine et du Sud. Au milieu de ce champ de bataille urbain, Poveda capture les rares moments de tendresse d’une famille détruite par la fatalité locale.
C’est aussi cette histoire, « Maras, mon amour » que nous avons publié dans Polka magazine #6, le n° d'automne 2009, une semaine avant son assassinat. Alain Mingam, son ami, a écrit le texte.

Christian, nous nous sommes rencontrés pour la première fois il y a quelques mois seulement. Nous étions tous, toi comme nous à Polka, très enthousiastes à l’idée de travailler ensemble.
Dès notre premier rendez-vous, tu m’as impressionné par ta gentillesse, tes attentions et ton professionnalisme. Toi, cet homme, ce journaliste, dont le puissant poitrail a été criblé de balles, était une force de gentillesse et de douceur, tellement à contre-pied des sujets et de la violence que tu côtoyais au quotidien au Salvador et lors des différents conflits que tu avais couvert ces trente dernières années. Le Salvador était devenu ta terre d’accueil, ton pays d’adoption. C’est pourtant là-bas où un tueur a lâchement eu ta peau.
Pourquoi ? Pour combien ? Pour une poignée de dollars peut être, le ou les commanditaires de ton assassinat ont voulu te faire taire à jamais. Ton travail d'investigation et de fond sur le terrain auprès de ces générations de jeunes au destin broyé par la loi de la jungle urbaine dérangeait les pouvoirs, officiels ou non, en place. Tu mettais tous les acteurs de la société, bons et mauvais, face à leur responsabilité.
Construire un pays, élever dignement ses enfants pour qu'ils aspirent à un avenir meilleur, tout au moins à un avenir, sont normalement les enjeux à relever d’un Etat et de sa société civile. Au lieu de cela, trop nombreux sont ceux qui prennent les armes et se contentent d'imposer leur force par la violence brute. Méthodes expéditives et loi martiale sont les seules réponses des gangs et des politiques, dépassés par les événements. Cette situation dramatique et criminelle sévit depuis tant d’années au Salvador mais aussi au Mexique et de ailleurs en Amérique latine et du Sud que l’on se demande quand la situation va t’elle changer.
Pour toi Christian, il n'y a pas de fatalité. Raison pour laquelle tu n'hésitais pas à prendre des risques.
Pour que ta mort ne soit pas vaine, regardons à nouveau ton travail, allons voir ton film, « La Vida Loca ». Parlons-en et réfléchissons à comment faire pour ne pas laisser la violence tuer nos enfants, ici, là-bas, partout ; pour ne pas la laisser nous tuer tous comment elle l’a fait pour toi.
Mes sincères condoléances à ta famille et tes amis. A toi.

« Saludos » comme tu écrivais encore il y a quelques jours avant ce 2 septembre dans un email.
Dimitri

« La Vida Loca » sort en salles en France le 30 septembre 2009.
- La bande annonce sur http://www.lafemme-endormie.com/vidaloca/
- A lire sur le site de Reporters Sans Frontières: http://www.rsf.org/La-Vida-Loca.html